Trois pas sur le côté, trois
jours de mélancolie. C’est un thème qui m’est cher. L’étrangeté
n’empêche pas la tendresse. Les vacances ne sont pas seulement un
moyen de relâcher la pression, de ne plus travailler. Elles
permettent de regarder d’un autre œil ce moi qui s’agite toute
l’année dans des poursuites et des tensions soudain bien
abstraites. Le repos lave une part des fatigues physiques et
intellectuelles qui encrassent notre système, mais en ce qui me
concerne, c’est la fatigue spirituelle qui reçoit le plus
magistral coup de balai. Cet œil intérieur qui ne se contente pas
de la surface des choses est purifié. Les vacances pour moi c’est
l’occasion de réapprendre à voir. Le beau, en particulier. De
retrouver l’envie de sentir le monde, au lieu de façonner une
nouvelle épaisseur de carapace. Le précieux n’est jamais loin de
mon cœur, je m’y accroche dans la tempête des jours, mais cette
paix relative permet d’en polir les courbes, d’en désincruster
les habitudes, les automatismes, les abrutissements.
Et
que faire ensuite de ces yeux neufs, de ces nerfs rafraîchis, prêts
à l’exploration ? Goûter le réel. Engranger, saisir,
compiler, relier et écrire en jouant avec ce que le réel donne. Le
transformer. Être un dieu de cour de récréation, le temps d’une
histoire. Suer sang et eau le long de la pente et atteindre un sommet
dans son cœur. Puis redescendre vers une vallée nouvelle.